Le Cap Nord en conditions hivernales

700km au dessus du cercle polaire arctique, de 0°C à -15°C.

Le retour ?

Après ma réussite du mois de juin, j'avais effectué 50% du travail. Maintenant il me fallait revenir au globe, qui signifie le point le plus au Nord de l'Europe. 

Comme je suis quelqu'un qui fait tout à fond, il me fallait revenir ici, connaitre les deux extrêmes de cette région du monde. Aurores boréales, nuits polaires, routes gelées, 2 à 3h de lumière maximum par jour. Voici les conditions que je vais affronter en ce mois de décembre 2022

9
jours
0°C
La température la plus élevée
-15°C
Température minimale
18053
Souvenirs mémorables


Suis-je fou ? C'est pas le mot que j'utiliserais pour me définir. Curieux me semble plus approprié. Pour ce voyage, qui s'annonce extrême de part les conditions, je pars depuis Tromso. Ville Norvégienne, au dessus du cercle polaire arctique. 700km me séparent du Cap. 

Pour me préparer au mieux, j'ai opté pour une petite préparation chez moi, dans les Alpes, au mois de novembre. Avec des sorties matinales (trop ?), vers 3/4h du matin afin d'avoir des conditions froides comme je pourrais retrouver en Norvège. Cela m'a permis de tester mon matériel ainsi qu'apprendre à réguler ma chaleur corporelle, clé du succès pour une expédition polaire. Cela peut paraitre contradictoire, mais moins on s'habille, moins on a froid. En effet, si je transpire, cette dernière gèle et donc me gèle la peau et la sensation de froid est bien présente. Si au contraire, je suis habillé juste suffisamment pour ne pas avoir froid mais ne pas transpirer, je suis dans une zone "relativement" confortable. Lors de ce voyage, j'ai eu plus froid quand il faisait 0°C que -15°C, simplement pour les raisons que je vous ai précédemment citées.

Ce fut une expérience incroyable. Les moments vécus sur le vélo sont décuplés, à cause ou grâce, que sais-je, aux conditions qui rendent mon quotidien ... pimenté.

Tel un équilibriste sur son fil, je suis sur mon vélo... sur le glace. La concentration est omniprésente, pour garder le cap ... Faire du vélo sur ce type de revêtement, n'est pas chose facile mais quand la nuit s'y mêle, c'est encore une autre histoire. 

Le froid, la concentration ainsi que la gestion de ma chaleur corporelle font que je consomme beaucoup d'énergie, physique mais aussi mentale. Je n'ai pas le choix que d'essayer de faire corps avec les conditions. Ici, il ne faut pas lutter, mais faire avec, sinon c'est impossible. 

Voici les mots que j'écrirais lors de mon arrivée

La boucle est bouclée.
Je suis très content de vous annoncer que ce projet d'aller au Cap Nord lors des deux extrêmes de l'année, est une réussite.

Un an après l'avoir imaginé, c'est fait. De longs mois, à rêver, penser et s'entraîner pour en arriver à ce globe. ✔️

La montée était plus facile qu'en juin, aujourd'hui il n'y avait pas de vent. En juin, j'étais à califourchon, en train d'incliner mon vélo pour contrebalancer le vent.
Les descentes sont quand même là pour essayer de me barrer la route. Elles sont glacées, extrêmement glacées. Descendre une pente a 11%, tout en glace, ce n'est pas évident. Autant a plat, c'était assez facile, mais dans ces pourcentages, ce n'est pas la même limonade. Dans la montée, mon pneu arrière patine sur la glace aussi malgré les clous. J'essaie de rester relâcher ... 😵

Lorsque j'arrive il n'y a personne, c'est vraiment chouette. Mais le plus chouette,se cache dans mes rétroviseurs, au sud. Le lever/coucher de soleil est merveilleux. Je n'ai pas d'autres mots. Le ciel est déchaîné, en feu ! J'en profite des heures. 🔥

Pour en arriver là, ce n'est ni de la chance, ni du hasard. Je pourrais vous dire que ça a été dur, compliqué... Le travail de l'ombre, gna gna gna ... Des conneries. J'ai rêvé dans un premier temps mais j'ai surtout essayé. Il n'y a que ça. Essayer.

Quand j'ai pensé à ce projet, je n'avais aucune idée de si j'étais fou, si c'était réalisable et si c'était fait pour moi. ❓

Je n'appellerais pas ça de la démence, plutôt de l'originalité. Réalisable, ça l'est. Si c'est fait pour moi ... Je vous laisse vous faire votre opinion.
J'y ai mis tout mon cœur, comme souvent. De l'envie, aussi. Je me suis accroché. J'ai essayé. Et la finalité c'est l'accomplissement.

Ainsi vous trouverez ici mon bilan :

A l'image de mon aventure du mois de Juin, ce fut plus facile que les scénarios que j'en avais fait. Premièrement, les distances que je faisais chaque jour, étaient loin des standards estivaux. J'ai fait 90km par jour en moyenne, en juin j'en faisais 150 voire régulièrement 200, pendant 1 mois. Par conséquent, j'ai passé moins de temps sur la selle quotidiennement. La comparaison s'arrête là. 

La réalité du terrain, c'est que quand je partais, il faisait nuit. Environ 1h. Le jour arrivait pendant 2h30 et repartait. Je continuais 1h30/2h voire plus de nuit. C'est assez démoralisant de pédaler plus de nuit que de "jour". 🙃

Deuxièmement, les pauses étaient courtes. Comme j'étais constamment dans des températures négatives, mon breuvage était des infusions, dans 2 thermos., mes collations, surtout à base de chocolat, gourmandise oblige. Qu'il fasse -5°C, -10°C ou -15°C, les pauses étaient express (2 minutes). Sinon, le froid te saisit et tu mets longtemps à te réchauffer. 🥶

Troisièmement, faire du vélo, sur de la glace: sur du plat, en montée ou en descente, ça demande beaucoup d'attention. Des heures durant. Il faut être alerte, pour compenser le moindre déséquilibre, parfois compenser le vent, choisir ou maintenir une trajectoire, pour ne pas finir au tapis. Ça demande beaucoup d'énergie, ce qui ne fait pas avancer la mobylette. Sans compter que malgré mes pneus cloutés, il m'arrive de patiner sur la glace. ⛸️

Et enfin, la thermorégulation. Que ça soit en ski, trail ou en ski de rando, ça n'a rien à voir avec du vélo. Clairement, sur un vélo c'est beaucoup plus compliqué. Ça m'a demandé beaucoup d'énergie car c'est quasiment un combat de chaque instant. Il y a plusieurs paramètres. Je l'ai déjà dit, mais il faut à tout prix ne pas transpirer car c'est comme ça que vous gelez. Il faut trouver l'équilibre entre l'intensité de l'effort, qui génère de la chaleur, et les couches qui vous tiennent au chaud. 👕
Vaut-il mieux enlever une couche ? Ralentir l'allure ? Ouvrir une fermeture éclair peut-être ? La capuche, avec ou sans ? Les gants oui ou non ? Tous ces paramètres peuvent se combiner ...
Pour info, de toute l'énergie produite par le corps, 30% sont restituées sur les pédales. Les autres 70% génèrent de la chaleur.
C'est un combat de tous les instants, sachant que les températures évoluent aussi. Je peux passer de -4 à -10 en quelques km. Avec l'expérience, c'était plus simple à la fin, mais dans l'idée, il ne faut pas avoir peur de se dépoiler. C'est très contradictoire mais véridique. Je n'ai jamais eu froid à -10 et -15 alors que j'y ai passé des heures. J'y étais même très à l'aise. Par contre j'ai eu très froid à -3. Simplement car j'étais trop habillé. Pour info à -15 j'avais : 1 t-shirt manche longue, un pull, une veste hardshell et des sous-gants. A -8, j'étais pareil, mais sans les sous-gants et sans capuche. A -3 j'étais en t-shirt, veste hardshell. C'est peu mais c'est ce qu'il faut. ✔️ Prenez tous ces paramètres, additionnez-les et ajoutez y, que mes nuits étaient aussi fraîches. Mon corps utilisait beaucoup d'énergie. Je pense avoir perdu du poids, alors que je mangeais comme un ours. En gros 2x plus que la norme. 🐻🐻🐻
Pour conclure, c'était plus facile qu'imaginé. Je n'ai pas eu (trop) à piocher dans mes ressources mentales. Physiquement, ça va. J'observe une période sans sport, pour récupérer.
Ce que je retiendrais, c'est qu'encore une fois, la Norvège ne m'a pas déçu. Même si à 13h30 il faisait nuit noire, j'ai pu assister au spectacle de la nature. Des levers de soleil qui se transforment en coucher, sans avoir vu le moindre rayon du soleil, puisqu'il ne passe jamais au-dessus de l'horizon. Mais aussi des élans, en passant par les aigles marins ainsi que des baleines ... Les aurores boréales quasi quotidiennement. C'était grandiose. J'ai pris beaucoup de plaisir, chaque jour, sur mon vélo, sans moments de réelles difficultés. Par 35°C ou -15°C, sur la route ou les chemins, qu'il pleuve ou qu'il neige, le vélo c'est mon moyen d'expression.
La journée que je redoutais le plus, celle qui était la plus difficile voire dangereuse sur le papier, s'est muée en l'une de mes plus belles journées sur un vélo, dans des paysages arctiques de folie, intégralement blancs et givrés. C'était inoubliable malgré l'exigence des conditions.😊
Je crois, c'est sûr même, que je me plais dans la difficulté, loin du confort et des certitudes. N'est-ce pas l'essence même de l'aventure ? 🧭

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