Après une année 2024 jusqu'ici plutôt réussie, avec de jolis voyages et de belles semaines d'entraînement, j'avais rendez-vous le week-end dernier avec l'ultime objectif de ma saison !
Le Chablais 300 !
Comme son nom l'indique, un tour du Chablais, avec 270 km pour 10 600m de dénivelé positif. Le tout en VTT. Un ratio d+/km de furieux, qui laisse présager un terrain bien montagne avec quelques portages/poussages ! Spoiler : Se fut bien le cas !

La prépa, clé de la réussite ? Un bon bloc d'entraînement de 2 mois (en gros). Un peu d'intensité, mais surtout des sorties quotidiennes, en travaillant sur la fatigue, en essayant de maximiser le dénivelé ! Pour les amoureux des stats, une semaine type : 20h d'entraînements, 7 000-10 000m de D+. Plutôt très content de ma préparation, qui s'est déroulée sans encombres, jusqu'à 3 jours avant l'événement ! Surprise !! Mon corps a décidé de me mettre quelques bâtons dans les roues, en tombant malade (le bidon tout patraque, avec un bon mal de casque) !
Moi qui étais content de ma prépa, me voilà obligé de revoir mes plans et me mettre dans la tête que faire la course comme j'aurais aimé, sera peut-être mission impossible ! Dans le meilleur des scénarios, cela ne me porte pas préjudice et je peux envisager de parcourir le tracé d'une traite ... Ou alors j'envisage de faire l'itinéraire en mode balade en 2-3 jours si mon corps ne me laisse pas trop le choix. Dans tous les cas, cela se décidera après 7-8h de course ! Avant le départ, voici donc ma stratégie : Partir tranquille, faire 7-8h et voir comment je réagis.
Si ça va, je peux me permettre de continuer, sinon je m'arrêtais à Thonon sûrement pour la première nuit !
L'organisation nous avait dit que les 70-80 premiers km étaient les plus difficiles (ils n'ont pas menti), ainsi, si j'arrive à passer ça en bonne santé, ça devrait le faire pour le reste du parcours !

Vendredi 8h : Départ des artistes. Après quelques kilomètres de départ fictif, les fauves sont lâchés ! Assez rapidement, les % deviennent atroces. Comme d'habitude, devant ça part vite. Je décide de ne pas suivre et je reste très tranquille autour de la 10ème place. Après 1h30 de course, le premier "poussage" fait son apparition : les écarts sont déjà énormes.
Je vois les premiers, tout là-haut, quand moi je sors juste de la forêt. À ce moment-là, je me dis que soit j'ai vraiment une condition physique de poisson pané, soit ils sont tous parti trop vite ...
Mon corps semble aller bien dans ces premières heures. Le terrain est bien gras et technique. Dans les premières descentes en versant nord, la neige était là les jours d'avant.
Les heures passent, j'ai fait la jonction sur Al, un Anglais qui habite à Morzine ! Il me fait office de guide, alors que nous roulons actuellement en Suisse. Les paysages sont très jolis et les montagnes bien différentes de celles où j'habite !
Dans la descente sur Chatel, je tombe sur Hannes ! On fait quelques km ensemble, ensuite je décide de m'arrêter dans Chatel pour faire le plein d'eau. Je ferai la jonction à nouveau quelques km plus loin ! Je ne le sais pas encore, mais j'ai trouvé là mon binôme ! On discute un petit peu, pas toujours ! Les montées sont costauds, les descentes aussi. Chacun fait son truc au mieux, rapidement je me rends compte que c'est un bon gars. Il a fait plusieurs très belles courses prestigieuses, le courant passe bien. L'ultra, c'est souvent ça, tu rencontres des gars (ou filles d'ailleurs), quelques heures passent et ça devient des gars fiables ! Quand tu pars pour 25-30h, mieux vaut apprécier les moments de partage, tu ne sais pas combien de temps ça va durer ! On a exactement le même rythme, c'est parfait. Je m'arrête faire quelques courses à Saint-Gingolph, Hannes continue son chemin.


A priori le corps réagit bien, je n'ai pas d'alertes, il semblerait que je puisse essayer de faire tout d'une traite, bonne nouvelle ! Je fais le stock de bouffe (il est 16-17h) car je sais que nous retournons dans les montagnes et que les prochains magasins seront fermés lors de mon passage. J'essaie de ne pas traîner pour me ravitailler et je repars !
Maintenant, c'est parti pour 1400m de montée sur 11km ! Un long morceau. Je reprends Xavier avec qui j'ai partagé le repas de la veille. Et je retombe sur Hannes quelques dizaines de minutes plus loin.
Nous reprenons les deux autres gars devant, qui commencent visiblement à accuser le coup ! Je ne le sais pas encore, mais notre binôme vient de prendre la tête ! Les 30 prochains km nous mènent à Thonon, on collabore bien dans la descente, avec Hannes, c'est simple et efficace, on se régale !

Une fois à Thonon, il est 20h précise. Nous avons fait 120km pour 5000m de D+. Hannes doit acheter quelques rations pour la nuit, chose que j'ai déjà faite ! Il quitte la trace, on convient de se retrouver plus tard, parce que dans ma tête, tant que ça marche bien, il faut rester ensemble, nous avons fait que la moitié !
Je comprends que je suis seul en tête, avec les messages d'encouragements que je reçois. Jusqu'ici le terrain ne permettait pas vraiment de décrocher du guidon !! Après 7km (je crois), je m'arrête à une fontaine pour faire le plein d'eau. Pour la première fois, je regarderais le live, en pensant attendre mon acolyte. Je m'aperçois qu'il n'est pas si proche que ça et que je préfère continuer d'avancer et que peut-être il me rattrapera !
À partir de maintenant, la course bascule. Je me dis que je n'ai aucun signal d'alerte, que je suis seul en tête, que j'ai envie de faire le "move" maintenant. Bien que je sois à la mi-course. Je décide d'appuyer sur les pédales, pour essayer de faire le trou ! Donc j'appuie, j'appuie et j'appuie. Dans le halo de mes lampes, je me fraye un chemin pas toujours évident. Les descentes sont toujours engagées, surtout avec l'humidité, qui rend les racines bien casse-gueule !
"Quent", il faut rester sur le vélo, ne pas faire d'erreur et rester concentré ! Pas toujours évident quand ça fait 12-15h que tu roules, qu'il fait nuit noire et que le terrain ne te permet pas le moindre répit.
À aucun moment de la course, j'ai vraiment pu me reposer dans les descentes. Tantôt il faut jouer l'équilibriste, tantot jeter un œil au GPS pour suivre la trace. Sans compter que Hannes, avec son vélo tout suspendu, va un poil plus vite dans les descentes que moi. À quoi bon appuyer dans les montées si c'est pour me faire reprendre dans les descentes ? J'ai pas le choix que de rouler. Malgré quelques erreurs de navigation, ça s'est bien passé. Dans les montées, je regarde derrière moi... Je mène la danse, je me sais chasser. Je suis à l'affût des frontales qui pourraient bien me cueillir au milieu de la nuit !

Je ne regarde pas le live, je ne sais rien de ce qu'il se passe derrière moi, mais je me rappelle regarder derrière dès que la vue est dégagée ! Pas de frontales en vue, visiblement ma stratégie semble fonctionner. Ça monte et ça descend, comme depuis le début, sans vraiment avoir de plats. Le moral est toujours bon, le physique aussi. Quel plaisir.
La fin de nuit approche, le jour se lève timidement, les lampes deviennent inutiles et l'arrivée s'est à présent bien rapprochée. Le calme et la fraîcheur matinale me font du bien !
Je commence à pouvoir estimer mon heure d'arrivée. J'ai grand faim !! Direction la boulangerie d'Abondance, il est 7h du matin. En passant la porte, je passe pour une énergumène quand je vois le regard des gens sur moi ! Oups... Ma frontale est encore allumée et je suis couvert de boue / bouze de vache. Désolé... longue journée au boulot !
Je m'envoie un gros sandwich jambon fromage, le kiffe complet à cette heure-ci ! Après un petit check sur le live, je comprends que j'ai fait un bon trou pendant la nuit. Il me reste environ 3h avant de voir la ligne. Je prends conscience à ce moment-là que seul un problème mécanique peut me coûter la première place.

Il me reste en tout 30 km. 14 km de montée et 1 000m de D+, ainsi qu'une longue descente (15km) jusqu'à Morzine !
Guy, l'organisateur m'attend au sommet de la dernière montée. En le voyant, je comprends que c'est bientôt fini ! Pourtant, qu'est-ce que je me sens bien. Depuis le départ, globalement, je n'ai pas baissé de rythme, voire j'ai accéléré, sans jamais avoir de fameux moments "difficiles". Je suis là, bien présent et toujours lucide. La dernière descente est descendue au frein à main surtout pas de boulettes !
J'admire les paysages, je m'arrête de temps à autres pour profiter. J'ai pas vraiment hâte que ça se finisse, alors autant faire traîner un peu, non ?

10h07, je passe la ligne d'arrivée. Après 26h07 d'efforts, de concentration et de plaisir, je boucle ces 270km avec 10 675m de dénivelé. En étant très bien physiquement, ça aurait pu continuer ! J'ai juste les mains savatées par les vibrations !
Au final, je passe la ligne en première position, plutôt anecdotique car ce n'est pas ça que je retiendrais, même si ça fait toujours plaisir, avouons-le ! Mon pote allemand arrivera 2h30 après moi.
Ce qui reste, c'est surtout le projet dans son ensemble, après mon échec en Finlande (abandon après 620km), j'ai tout fait pour réussir une préparation optimale. Elle l'était. Mais les planètes semblaient ne pas vouloir s'aligner, quand 3 jours avant, tu te sens tout faible. L'histoire semblait bien mal embarquée. Au final, tout s'est aligné de la meilleure des manières : Un départ prudent, en pensant que t'es quand même loin d'être dans le coup ! Des belles rencontres et surtout des moments précieux avec Hannes, jusqu'au moment ou seul, j'ouvrais la route à grand coup de pédales.
La manière dont j'ai vécu cette aventure était parfaite, ça m’a permis de m'offrir la victoire, certes. Mais j'aurais signé des deux mains pour une 25e place avec la même manière car au final, c'est bien ça le plus important. Apprendre, comprendre, essayer de devenir meilleur dans mon approche de cette discipline qu'est l'ultra.
Maintenant, place à un peu de repos avant de refaire des kilomètres, sans objectifs particuliers ! Bientôt, il faudra choisir mes projets pour 2025, mais soyez-en sûr, il y aura du vélo et de l'ultra.
Merci à l'orga du Chablais300 pour l'accueil, un vrai tracé VTT, magnifique et pour les costauds ! Merci aux gars croisés sur les chemins, mention spéciale à Hannes ! Bravo à tous les finishers !
Et merci à tous ceux qui m'ont encouragé avant, pendant et après la course, vous êtes les patrons !
Rendez-vous l'année prochaine !
Lien vers l'activité Strava :
https://www.strava.com/activities/12464673045
Crédits photo :
Photo n°2 : Damian McArthur
Photos 3,4,5,6,7 & couverture : Guy Bowden
Chablais 300 : Victoire !